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Ceci est un peu la suite non officielle de l’excellent billet écrit par ma collègue sur le blogue d’Extenso : Des ordures comme nourriture. Pour comprendre le contexte de mon souper dans les poubelles, je vous invite à vous y référer d’abord.
La chasse aux trésordures
Il y a quelques semaines, Catherine Lefebvre, la nutritionniste qui a publié le livre Les Carnivores Infidèles, a partagé sur Twitter une carte nommée « La chasse aux trésordures ». Elle répertorie les lieux de prédilection des « dumpster divers » montréalais. Ces gens se nourrissent des aliments encore propres à la consommation qui sont jetés par les commerces. Ce n’est pas nécessairement par manque d’argent qu’ils le font, mais plutôt dans le but de contester le gaspillage alimentaire.
Depuis le début de l’année, on parle beaucoup du gaspillage des aliments parce qu’on estime qu’entre 30% et 50% des aliments produits sont jetés. Tout le monde est d’accord pour dire que c’est beaucoup trop.
On a beau toujours décrier le gaspillage alimentaire, il faut au moins expérimenter certaines initiatives pour tenter de comprendre un peu mieux le phénomène. J’y voyais donc là une opportunité de passer de la théorie à la pratique et je savais que Catherine embarquerait avec moi!
Rendez-vous clandestin
Après avoir scruté la carte de fond en comble pour trouver les poubelles les plus prometteuses, notre choix s’est arrêté sur la destination « pour débutants ». Le rendez-vous fut fixé à 17h00.
J’attendais Catherine dans le vent froid en me faisant la réflexion que j’aurais peut-être dû m’habiller en conséquence. Je n’avais aucune envie d’entrer dans les bennes à ordures avec mon beau manteau… Catherine avait d’ailleurs mis ses souliers de course. « Au cas où je dois grimper dans les poubelles ».
Pour être franc, on ne savait pas par où commencer. On s’était dit qu’on ferait du « dumpster diving », on s’était fixé un rendez-vous, et pourtant, au moment où il fallait le faire, plusieurs pensées me traversaient l’esprit. « Qu’est-ce que les gens vont penser de nous? » « Et si le gérant appelle la police? »
Une abondance de nourriture
Nous nous sommes approché des bennes à ordures et y avons jeté un premier coup d’œil. Voici ce qu’il y avait dans la première.
Rien qui ne nous semblait vraiment propre à la consommation…
Nous avons continué et plus nous regardions de poubelles, plus nous trouvions des aliments qui semblaient en bonne condition. Vous excuserez mon manque de photo à ce moment. Nous étions si excités de trouver ces trésors dans les poubelles que nous avons complètement oublié d’en prendre. Croyez-moi, nous n’avions qu’à tendre les mains et à prendre ces aliments. Nul besoin d’entrer dans les poubelles!
Une des premières règles du « dumpster diving » est de ne prendre que ce dont nous avons besoin et de laisser la chance aux autres. Nous avons donc laissé de grandes quantités d’aliments là au cas où d’autres personnes passaient. Après avoir fait le tour complet, ce qui a pris moins de 10 minutes, nous nous sommes dirigés vers mon appartement pour y cuisiner nos trouvailles.
Préparation et dégustation
En 10 minutes, nous nous sommes procuré deux poignées de fèves, 5 kilos de carottes, une dizaine de pommes de terre, un céleri-rave, un navet, un concombre, un pamplemousse et un sac d’ail.
Nous cherchions des idées de repas à faire avec nos légumes fraîchement cueillis. Notre choix s’est arrêté sur un « fish N’ chips » de tilapia accompagné de fèves cuites à la vapeur, de carottes grillées et de pommes de terre rissolées.
En arrivant, première étape : la préparation et le nettoyage. Nous nous attendions à jeter certains légumes pourris, mais pourtant, rien… Dans notre sac de 5 kilos de carottes, seule cette petite partie était pourrie.
Tout le reste était parfait! C’est vrai que les pommes de terre étaient légèrement vertes, mais sous la pelure, elles étaient bien blanches. Bref, tout ce que nous avons ramassé était propre à la consommation.
Voici donc notre repas préparé avec des aliments retrouvés dans les poubelles.
Catherine m’a fait le commentaire que nous aurions dû mieux placer les aliments dans l’assiette…
Notez au passage que les fleurs sur la table provenaient également des bennes à ordures!
On en pense quoi?
On en pense que c’est vraiment plaisant de faire son « épicerie » en moins de 10 minutes, de revenir avec trois sacs pleins de nourriture et de ne rien payer.
On en pense que le « dumpster diving », c’est une autre façon de découvrir des aliments qu’on ne mangerait pas habituellement. C’est d’ailleurs le céleri-rave trouvé dans les poubelles qui m’a inspiré à le choisir comme « nouveau légume » pour le défi légumier que nous nous sommes lancé pour le mois.
On pense évidemment aux personnes qui n’ont pas d’argent pour s’acheter de la nourriture et aux commerçants qui jettent des aliments encore propres à la consommation au lieu de les donner.
Si vous désirez tenter l’expérience, car je vous jure qu’elle est enrichissante, je vous suggère d’aller consulter la carte des trésordures. Et qui sait, vous risquez probablement de m’y croiser!