Diabète et maladies du cœur
Le diabète de type 2 fait grimper de deux à quatre fois le risque de souffrir de maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, hypertension artérielle, etc.). Cela s’explique, entre autres, par les taux élevés de sucre (glycémie) et de gras (lipides) observés dans le sang des diabétiques. La cannelle, cette épice originaire de l’Asie du Sud-Est, peut-elle aider à abaisser ces taux?
Des résultats qui méritent notre attention
La cannelle a produit des effets intéressants sur des cellules humaines isolées et sur des rats : elle faciliterait le travail de l’insuline, l’hormone responsable de faire entrer le sucre dans les cellules, et aurait un effet comparable à certains médicaments utilisés dans le traitement du diabète, soit les thiazolinediones (tels qu’Actos®, Avandia®, etc.), qui réduisent la résistance à l’insuline.
Plus le travail de l’insuline est efficace, plus la glycémie est susceptible d’être normale. Voilà qui est intéressant, mais l’action de la cannelle est-elle la même dans le corps humain? Les résultats de la première étude effectuée auprès d’humains en ont étonné plus d’un : 40 jours après avoir ingéré de la cannelle en capsule, des hommes et des femmes diabétiques de type 2 ont vu leur glycémie chuter de 25 % en moyenne. Les taux de lipides sanguins, plus précisément de triglycérides, de cholestérol LDL (mauvais cholestérol) et de cholestérol total, ont subi une diminution comparable.
Ces effets pour le moins surprenants de la cannelle, que certains attribuent à ses antioxydants de type proanthocyanidines, une classe de polyphénols que l’on retrouve également dans le cacao, ont encouragé les chercheurs à poursuivre leurs recherches.
Un tour d’horizon des premières études effectuées chez l’humain
Les résultats obtenus dans les deux études subséquentes mettent cependant un bémol aux conclusions trop hâtives. Dans la première étude, la cannelle a abaissé la glycémie, mais elle n’a pas influencé les lipides sanguins. Précisons que l’effet sur la glycémie était plus marqué chez ceux qui avaient un diabète mal contrôlé. Dans la seconde étude effectuée sur une période d’un mois et demi, la cannelle n’a réduit ni la glycémie ni les taux de lipides sanguins. La glycémie à jeun n’a pas varié de façon significative dans cette étude et l’hémoglobine glyquée (HbA1c), un marqueur de la glycémie qui requiert une période de 3 mois pour varier, n’a pas varié dans cette étude.
Des méta-analyses aux résultats variables
Deux revues de la littérature regroupant 6 essais randomisés contrôlés (n=375), dont les trois études présentées précédemment, ont été effectuées en 2012 afin d’évaluer l’effet de cette épice sur la glycémie chez les personnes souffrant de diabète de type 2. Résultat : les groupes qui ont quotidiennement ingéré 1 g à 6 g par jour de cannelle de type Cinnamomum cassia sur une période de 40 jours à 4 mois ont connu une diminution significative de leur glycémie à jeun et de leur hémoglobine glyquée (HbA1c).
Une méta-analyse publiée la même année et portant sur dix essais randomisés contrôlés prospectifs (n=577) a révélé des résultats tout autres! Ces chercheurs ont comparé l’effet associé à l’administration d’une dose de 2 g de cannelle en moyenne (principalement du cinnamomum cassia) à un placebo, un médicament actif ou à l’absence de traitement chez des personnes atteintes de diabète de type 1 ou 2. Résultat : après 4 à 16 semaines, l’effet de la cannelle sur la glycémie à jeun n’a pas été concluant. De plus, aucune différence significative n’a été notée entre les groupes traités à la cannelle et les groupes témoins concernant l’hémoglobine glyquée et le niveau de glucose après avoir mangé.
Puis, en 2013, une méta-analyse regroupant dix essais randomisés contrôlés (n=543) a, pour sa part, révélé des résultats plus prometteurs. Son objectif était de mettre à jour une revue de la littérature effectuée cinq ans plus tôt par le même groupe de chercheurs (qui n’avait pas fourni de résultats concluants) afin de l’enrichir des plus récentes données. Les chercheurs ont ainsi démontré que l’administration de doses de cannelle allant de 120 mg à 6 g par jour était associée à une réduction significative de la glycémie à jeun, du cholestérol total, du « mauvais cholestérol » de type LDL, et des triglycérides dans le sang, ainsi qu’à une augmentation significative du « bon » gras (HDL). Toutefois, l’hémoglobine glyquée n’avait pas varié de façon significative, ce qui peut en partie s’expliquer par la courte durée de plusieurs études analysées.
Somme toute, l’hétérogénéité des caractéristiques des participants de ces études, les échantillons limités à 25 à 109 participants, la méthodologie parfois défaillante, et la courte durée des études limitent la portée de ces résultats et expliquent certains résultats contradictoires. L’effet de la cannelle sur la glycémie diffère d’ailleurs grandement selon le groupe ethnique, les habitudes alimentaires des participants, leur indice de masse corporelle, les niveaux de glycémie avant les études et les doses de cannelles administrées. De plus amples recherches sont donc nécessaires pour mieux comprendre l’effet de la cannelle sur la glycémie chez l’humain.
À quelle dose?
Vous voulez tenter le coup? La consommation de cannelle ne comporte pas de risque, alors pourquoi pas? Mais sachez que, d’après les études réalisées à ce jour, il vaut mieux être friand de cette épice et s’armer d’un peu de patience. La quantité administrée aux participants des études allait de 120 mg à 6 g par jour, soit jusqu’à 1 cuillérée à table (15 ml). Par surcroît, le produit utilisé dans ces études consistait en des capsules d’extraits de cannelle ou de poudre de cannelle. Peut-on espérer les mêmes effets des différentes formes et sortes de cannelle? Cela reste à démontrer. D’autres variétés de cannelle pourraient d’ailleurs contenir des composantes bioactives distinctes et faire varier les effets.
Bref, même si les perspectives reliées à la consommation de cannelle sont intéressantes concernant le contrôle de la glycémie, des lipides sanguins et de la tension artérielle chez les personnes diabétiques de type 2, il faudra encore plusieurs études (à plus long terme et regroupant de plus grands échantillons) avant de déterminer le potentiel clinique de cette épice et la dose optimale.